Je-est-un-film
Comment le cinéma se mesure-t-il à l’autobiographie ?
Comment l’autobiographie sert-elle à faire du cinéma ?
Ce n’est pas (seulement) l’autobiographie filmique au sens propre qui nous intéresse, c’est plutôt une pratique du cinéma que nous qualifierions (et nous ne sommes pas les premiers à utiliser cette expression) de CINÉMA À LA PREMIÈRE PERSONNE. Pratique du cinéma qui est aussi vieille que le 7ème art — en effet, on peut dire que les frères Lumière et Georges Méliès filmaient déjà «à la première personne» —, pratique qui a connu une période faste dans les années 1950-1980, grâce au 16 mm puis au Super8 (Jonas Mekas, Joseph Morder et Alain Cavalier, pour aller vite) et qui se développe aujourd’hui, depuis que la vidéo et les moyens de montage numériques se sont répandus, et que les réseaux sociaux ont facilité la diffusion d’images.
Ce qui nous semble central, c’est d’abord la possibilité pour un cinéaste de travailler SEUL (ou presque), donc d’échapper (ou de croire qu’il le peut ?) aux lourdeurs techniques et aux contraintes idéologiques de l’industrie capitaliste et spectaculaire du cinéma institutionnel.
Nous proposons donc de nommer JE-cinéaste celui qui se trouve, mutatis mutandis, face à son film comme un écrivain face à son roman, ou un peintre face à son tableau, en tête à tête. Les JE-films NE SONT PAS TOUS des journaux filmés ! Il peut s’agir de documentaires, d’essais, d’expérimentations, et même de fiction, comme en témoigne le film de Brigitte Sy, Les Mains libres (La réalisatrice était l’un des invités d’honneur de nos Journées d’avril 2012).
En outre, il n’est pas obligatoire non plus qu’un JE-cinéaste soit un individu isolé, autarcique (pour reprendre la belle expression de Nanni Moretti). Un JE-cinéaste peut être la résultante d’un travail collectif, comme dans le couple Straub-Huillet, ou les groupes alternatifs des années 70 (Groupe Dziga-Vertov, Groupes Medvedkine…). D’ailleurs, le JE-cinéma n’a de sens que si le point de vue individuel qui le porte réussit à atteindre une certaine universalité.
Pour toutes ces raisons, nous pensons qu’il y a un vaste champ à parcourir et à explorer dans le cinéma d’hier et dans celui d’aujourd’hui, où se font jour des postures de résistance individuelles ou collectives, face au monde tel qu’il va (mal).
En décembre 2010, nous invitions des JE-cinéastes pour confronter nos productions. Du 6 au 8 avril 2012, Petite Lanterne a proposé un premier rendez-vous de JE-cinéastes, intitulé JOURNÉES CINÉMA & AUTOBIOGRAPHIE. Nous espérons que cette manifestation deviendra annuelle…
Pierre LAUDIJOIS
Dix questions (parmi d’autres…)
1) Peut-on écrire que l’autobiographie est une expression personnelle dont l’objet est le sujet lui-même ?
2) Comment déterminer le coefficient d’autobiographie d’un film ?
3) A partir de quand une œuvre autobiographique intéresse-t-elle un « large » public (au delà du cercle intime du créateur) ? Comment s’effectue le passage du particulier au général?
4) Est-ce que la présence de l’Histoire est indispensable ?
5) Filmer sa famille, est-ce autobiographique ? Les films amateurs sont-ils automatiquement autobiographiques ?
6) L’autobiographie suppose-t-elle une volonté autobiographique ?
7) Le journal (écrit ou filmé) est-il automatiquement autobiographique ?
8) L’autobiographie est-elle fatalement une reconstruction fausse ?
9) L’autobiographie a-t-elle organiquement partie liée avec l’angoisse de la mort ?
10) L’autobiographie est-elle obligatoirement mélancolique et/ou désespérée ?
Nous tenons à remercier Alain Bergala et l’ACOR (Association des Cinémas de l’Ouest pour la Recherche) qui nous ont autorisés à utiliser cette expression JE-EST-UN-FILM, qui était le titre d’un ouvrage édité en 1998 pour accompagner une programmation de cinéma à la première personne, ouvrage qui nous a aidés dans notre réflexion.
On peut se procurer cet ouvrage à l’adresse suivante :
http://livreacorjeestunfilm.blogspot.com/